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Blog en mémoire de mon grand-père requis du travail forcé en Allemagne nazie de mars 1943 à mai 1945

Un Beaunois mort sous les bombes à Eger

Dernière mise à jour : 25 oct.

L’usine d’aviation d’Eger et les alentours étaient des cibles privilégiées pour les Alliés qui ont pratiqué de nombreux bombardements. Lors de l'un d'entre eux, un copain de chambrée de mon grand-père, originaire de Beaune comme lui, a perdu la vie.


Carte de départ au STO de René B. (source : Archives départementales de Côte-d'Or)
Carte de départ au STO de René B. (source : Archives départementales de Côte-d'Or)

Dès ses premières lettres, mon grand-père évoque avec des métaphores pour contourner la censure les bombardements quasi-quotidiens :

« Autant vous dire que les oiseaux d’outre-mer viennent nous rendre visite. En même temps, nous avons reçu des fruits secs. Il faudrait bien un peu de pinard pour les faire passer. Cela me rappelle un peu le surlendemain de l’anniversaire de Monette[1] il y a quelques années. Des drôles de visites. » (22 avril 1943)

 

Ou encore en août 1943 : « Cela fait 6 visites que nous avons la même semaine. Cela n’est vraiment pas trop mal pour des camarades qui ont aussi loin de chemin. » (1er août 1943)

 

Début 1944 : « Nous avons passé toute la semaine à la défense passive. Cette nuit à 3h 1/2 du matin, nous avons été réveillés par les sirènes. Nous nous sommes rendus à l'usine par groupe. Il y est passé beaucoup d'avions mais toujours point de dégâts pour nous, tout le monde n'en est pas au même point » (20 février 1944 ) ; « je suis tranquille à part que nous avons souvent des chutes aussi bien de jour que de nuits. Et nous avons du remue-ménage pas très loin. » (23 mars 1944)


Tout comme les problèmes d’acheminement du courrier, synonymes d’avancées positives des troupes alliées mais aussi d’absence de nouvelles de la famille, les bombardements lui inspirent des sentiments ambivalents, suscitant chez lui à la fois peur et espoir d’une fin rapide de la guerre : « les oiseaux ne sont pas toujours de bonne humeur surtout en ce moment. Il n’y a que cela pour nous donner un peu d’espoir. » (14 août 1943)

 

En faisant des recherches sur les camarades que mon grand-père cite dans ses lettres, j’ai découvert qu’un des 4 autres Beaunois qui partageaient sa chambre avec lui, René B.[2], un de ses meilleurs copains[3], était mort sous les bombes à Eger.

Attestation tirée du dossier de René B. dans les Archives Arolsen [4]. On peut y lire : "B. René 1.6.22 French Is said to have been killed in a air-raid on 25.3.1945 in Eger-Oberschon. Got confirmation of death and death certificate (en français : B. René Français Est dit avoir été tué lors d'un raid aérien le 25 mars 1945 à Eger-Oberschon. Reçu confirmation de la mort et certificat de mort)
Attestation tirée du dossier de René B. dans les Archives Arolsen [4]. On peut y lire : "B. René 1.6.22 French Is said to have been killed in a air-raid on 25.3.1945 in Eger-Oberschon. Got confirmation of death and death certificate (en français : B. René Français Est dit avoir été tué lors d'un raid aérien le 25 mars 1945 à Eger-Oberschon. Reçu confirmation de la mort et certificat de mort)

René B. était né en 1922 comme mon grand-père. D'après le recensement de Beaune de 1936, son père était ajusteur à la bijouterie Rolot. Lui-même était employé de banque au Crédit Lyonnais à Beaune au moment de son départ au STO, comme l'indique sa carte de départ (voir l'image plus haut).

 

Le bombardement mortel eut lieu le 25 mars 1945. Mon grand-père ne vivait plus à Eger alors mais à Asch. Il ne pouvait donc se trouver sous les bombes. C’était le dimanche des Rameaux. A midi, six groupes de bombar­diers américains lancèrent une attaque sur Eger. Une partie de la ville fut atteinte, l’usine et une partie du camp furent détruites. 73 Français trouvèrent la mort. René B. était de ceux-là.


Je remercie Bernard Derelle qui m’a communiqué des informations sur le bombardement de l’usine qu’il a relaté ici et dont son oncle Paulin Derelle fut une des victimes, comme René B. Je renvoie également à l'interview d'André D. que j'ai mise en ligne qui apporte quelques précisions sur le bombardement.

 

Les victimes des bombardements constituent la plus grande partie des 35 000 à 40 000 décès qu’il y eut environ parmi les ouvriers français en Allemagne[5].

Plan de la tombe commune où furent inhumés les corps des victimes du bombardement du 25 mars 1945. Ils ont été exhumés en 1953, placés dans des cercueils individuels et, pour la plupart, rapatriés en France (source : Bernard Derelle)
Plan de la tombe commune où furent inhumés les corps des victimes du bombardement du 25 mars 1945. Ils ont été exhumés en 1953, placés dans des cercueils individuels et, pour la plupart, rapatriés en France (source : Bernard Derelle)


[1] Sa sœur Simone, dite Monette, est née le 12 juillet 1924. Le surlendemain de son anniversaire est le 14 juillet, le jour de la fête nationale. Jean fait sans doute référence aux feux d’artifice tirés à cette occasion pour évoquer les bombardements.

[2] Un des exemples où il est cité : « J'ai été avec René B. [me faire photographier] et le soir nous sommes allés au ciné voir jouer les "Inconnus dans la maison" avec Raimu, mais on ne comprend pas grand-chose. » (12 décembre 1943)

[3] Ainsi, quand il aura déménagé à Asch, écrira-t-il : « Je suis plus tranquille ici qu'à Eger mais mes copains me manquent beaucoup, surtout Charlot et René B. qui étaient pour moi les meilleurs copains » (14 juin 1944)

[5] Helga Elisabeth Bories-Sawala, Dans la gueule du Loup. Les Français requis du travail en Allemagne, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2010 (p.114)

 
 
 

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