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Blog en mémoire de mon grand-père requis du travail forcé en Allemagne nazie de mars 1943 à mai 1945

Karlsbad, Franzensbad, Marienbad, la vie en Bohême

Dernière mise à jour : 26 oct.

« Il faut éviter certains mots devant un ancien requis. Le terme « loisir » est de ceux-là », écrit l’historien Patrice Arnaud dans la somme qu’il a consacrée aux STO[1]. Alors que les anciens requis se sont battus après-guerre pour que soient reconnues leurs souffrances, revendiquant en vain le statut de déporté, l’évocation des loisirs et du temps libre était taboue. Pourtant, ce fut une réalité. Les lettres de mon grand-père en témoignent, notamment lorsqu’il évoque les lieux alentours d’Eger où il s’échappait sur son temps libre.


Carte postale donnant une vue de Karlsbad en 1940 (source internet)
Carte postale donnant une vue de Karlsbad en 1940 (source internet)

Même s’il était rare et contraint, les requis disposaient de temps libre qu’ils employaient pour se changer les idées, se reposer, s’évader un peu.

 

A la première lecture des lettres de mon grand-père, avec les idées préconçues que j’avais sur le STO que j’associais à une vie de quasi-prisonnier, je fus surpris de découvrir l’évocation d’escapades dans des villes de la Bohême qui renvoyaient à un imaginaire de séjours impériaux et d’hôtels luxueux.

 

Ainsi Jean évoque-t-il Karlsbad (aujourd’hui Karlovy Vary) : « Dimanche, nous voulions aller à Karlsbad, une des plus grandes villes d’eau de l’Allemagne. Pour moi, c’est zéro [2]. Mais ce n’est pas loin, ce sera pour plus tard. » (6 mai 1943)


Carte postale montrant la promenade du Mühlbrunn de Karlsbad vers 1940 (source internet)
Carte postale montrant la promenade du Mühlbrunn de Karlsbad vers 1940 (source internet)

 Franzensbad (aujourd’hui Františkovy Lázně) : « Heureusement le dimanche nous allons à Franzensbad. Cela est plus joli et plus coquet qu’Eger et il y a un grand lac avec une petite plage. Et au moins il y a moyen de faire une cure d’eau gazeuse. Cela fait du bien pour le foie. Mais cela ne vaut pas notre pinard. » (14 juin 1943) ; « J’ai pu me baigner dimanche dernier avec deux copains à Franzensbad. Mais cela ne vaut pas Seurre. » (24 juin 1943)


Carte postale montrant le lac et la plage de Franzensbad (date inconnue)
Carte postale montrant le lac et la plage de Franzensbad (date inconnue)

 Il y a encore Marienbad (aujourd’hui Mariánské Lázně) : « J’ai été me faire photographier samedi dernier à Marienbad. » (23 octobre 1943)

 

Les activités sportives organisées (sur lesquelles je reviendrai dans un autre article) sont aussi l’occasion de déplacements : « A part cela ; je fais toujours du rugby. Dimanche prochain, on commence les matchs de championnat, Coupe de l'Auto. Nous avons de beaux déplacements en vue, et environ une vingtaine de matchs. Reste à savoir s'ils nous en laisseront la possibilité car nous connaissons tous leur bonne parole... » (22 avril 1944)

 

Il se déplace aussi pour aller rencontrer des connaissances installées dans d’autres villes : « Dimanche prochain, je vais à Selb voir un prisonnier de Châlon. » (25 juin 1944)

 

Après son installation à Asch, où il jouissait d’une plus grande liberté qu’à Eger, moins surveillée, il a sans aucun doute continué à se déplacer. Je ne peux que le supposer puisque l’envoi du courrier s’est arrêté quelques semaines après son installation dans cette ville. La carte de l’arrondissement d’Asch rapportée d’Allemagne, retrouvée dans les archives familiales et que j'ai reproduite ici pourrait l'attester. Peut-être lui servait-elle à préparer des petites excursions avec des amis, « même au féminin », comme il écrit en juillet 1944, juste avant que le courrier cesse. Excursions dont il se souviendrait de retour en France…



[1] Patrice ARNAUD, Les STO. Histoire des Français requis en Allemagne nazie. 1942-1945, Paris, CNRS-Biblis, 2014, p.286

[2] Il est malade, alité, et ne peut donc aller à Karlsbad.

 
 
 

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